lundi 14 novembre 2011

DADA MAGAZINE (1917-1918)

DADA reste la référence historique des Situationnistes, et de tout mouvement artistique anticonformiste et d’esprit underground, encore à ce jour!

Dans le troisième numéro du magasine Dada est inclus le « Manifeste Dada » de 1918, rédigé par Tristan Tzara, qui a été lu à Meise Hall à Zurich le 23 Juillet 1918.


Voici un extrait du Manifeste de Tristan Tszara

Dégoût dadaïste :

[...] DADA ; abolition de la logique, danse des impuissants de la création : DADA ; aboliton de toute hiérarchie et équation sociale installée pour les valeurs par nos valets : DADA; chaque objet, tous les objets, les sentiments et les obscurités, les apparitions et le choc précis des lignes parallèles, sont des moyens pour le combat : DADA; abolition de la mémoire : DADA; abolition de l’archéologie : DADA; abolition des prophètes : DADA; abolition du futur : DADA; croyance absolue indiscutable dans chaque dieu produit immédiat de la spontanéité : DADA; saut élégant et sans préjudice d’une harmonie à l’autre sphère; trajectoire d’une parole jetée comme un disque sonore cri; respecter toutes les individualités dans leur folie du moment : sérieuse, craintive, timide, ardente, vigoureuse, décidée, enthousiaste; peler son église du tout accessoire inutile et lourd; cracher comme une cascade lumineuse la pensé désobligeante ou amoureuse, ou la choyer — avec la vive satisfaction que c’est tout à fait égal — avec la même intensité dans le buisson, pur d’insectes pour le sang bien né, et doré de corps d’archanges, de son âme. Liberté : DADA DADA DADA, hurlement des douleurs crispées, entrelacement des contraires et de toutes les contradictions, des grotesques, des inconséquences : LA VIE.

samedi 12 novembre 2011

DADA BALLET

DADA-ZURICH : Danses masquées


À gauche : Danse masquée exécutée par Sophie TAEUBER à la Galerie DADA, mars 1917. Masque créé par Marcel JANCO. À droite : Erika SCHLEGEL et Sophie TAEUBER revêtues de costumes inspirés des kachinas Hopi, réalisés par Sophie TAEUBER. Photographies, Clamart, Fondation Arp

vendredi 11 novembre 2011

MANIFESTE DADA!!!!







TRISTAN TZARA


Manifeste dada 1918



Pour lancer un manifeste il faut vouloir : A.B.C., foudroyer contre 1, 2, 3,


s'énerver et aiguiser les ailes pour conquérir et répandre de petits et de grands a, b, c,


signer, crier, jurer, arranger la prose sous une forme d'évidence absolue, irréfutable, prouver son non-plus-ultra et soutenir que la nouveauté ressemble à la vie comme la dernière apparition d'une cocotte prouve l'essentiel de Dieu. Son existence fut déjà prouvée par l'accordéon, le paysage et la parole douce.■ Imposer son A.B.C. est une chose naturelle, — donc regrettable. Tout le monde le fait sous une forme de cristalbluffmadone, système monétaire, produit pharmaceutique, jambe nue conviant au printemps ardent et stérile. L'amour de la nouveauté est la croix sympathique, fait preuve d'un jem'enfoutisme naïf, signe sans cause, passager, positif. Mais ce besoin est aussi vieilli. En donnant à l'art l'impulsion de la suprême simplicité : nouveauté, on est humain et vrai envers l'amusement, impulsif, vibrant pour crucifier l'ennui. Au carrefour des lumières, alerte, attentif, en guettant les années, dans la forêt.■ J'écris un manifeste et je ne veux rien, je dis pourtant certaines choses et je suis par principe contre les manifestes, comme je suis aussi contre les principes (décilitres pour la valeur morale de toute phrase — trop de commodité; l'approximation fut inventée par les impressionnistes). ■ J'écris ce manifeste pour montrer qu'on peut faire les actions opposées ensemble, dans une seule fraîche respiration; je suis contre l'action; pour la continuelle contradiction, pour l'affirmation aussi, je ne suis ni pour ni contre et je n'explique pas car je hais le bon sens.

DADA — voilà un mot qui mène des idées à la chasse; chaque bourgeois est un petit dramaturge, invente des propos différents, au lieu de placer les personnages convenables au niveau de son intelligence, chrysalides sur les chaises, cherche les causes ou les buts (suivant la méthode psychanalytique qu'il pratique) pour cimenter son intrigue, histoire qui parle et se définit. ■ Chaque spectateur est un intrigant, s'il cherche à expliquer un mot (connaître!). Du refuge ouaté des complications serpentines, il faut manipuler ses instincts. De là les malheurs de la vie conjugale.

Expliquer : Amusement des ventrerouges aux moulins des crânes vides.


DADA NE SIGNIFIE RIEN

Si l'on trouve futile et si l'on ne perd son temps pour un mot qui ne signifie rien...

La première pensée qui tourne dans ces têtes est de l'ordre bactériologique : trouver son origine étymologique, historique ou psychologique, au moins. On apprend dans les journaux que les nègres Krou appellent la queue d'une vache sainte : DADA. Le cube et la mère en une certaine contrée d'Italie : DADA. Un cheval de bois, la nourrice, double affirmation en russe et en roumain : DADA. De savants journalistes y voient un art pour les bébés, d'autres saints jésusapellantlespetitsenfants du jour, le retour à un primitivisme sec et bruyant, bruyant et monotone. On ne construit pas sur un mot la sensibilité; toute construction converge à la perfection qui ennuie, idée stagnante d'un marécage doré, relatif produit humain. L'œuvre d'art ne doit pas être la beauté en elle-même, car elle est morte; ni gaie ni triste, ni claire, ni obscure, réjouir ou maltraiter les individualités en leur servant les gâteaux des auréoles saintes ou les sueurs d'une course cambrée à travers les atmosphères. Une œuvre d'art n'est jamais belle, par décret, objectivement, pour tous. La critique est donc inutile, elle n'existe que subjectivement, pour chacun, et sans le moindre caractère de généralité. Croit-on avoir trouvé la base psychique commune à toute l'humanité ? L'essai de Jésus et la bible couvrent sous leurs ailes larges et bienveillantes : la merde, les bêtes, les journées. Comment veut-on ordonner le chaos qui constitue cette infinie informe variation : l'homme ? Le principe : « aime ton prochain » est une hypocrisie. « Connais-toi » est une utopie mais plus acceptable car elle contient la méchanceté en elle. Pas de pitié. Il nous reste après le carnage l'espoir d'une humanité purifiée.

Je parle toujours de moi puisque je ne veux convaincre, je n'ai pas le droit d'entraîner d'autres dans mon fleuve, je n'oblige personne à me suivre et tout le monde fait son art à sa façon, s'il connaît le joie montant en flèches vers les couches astrales, ou celle qui descend dans les mines aux fleurs de cadavres et des spasmes fertiles. Stalactites : les chercher partout, dans les crèches agrandies par la douleur, les yeux blancs comme les lièvres des anges.

Ainsi naquit DADA d'un besoin d'indépendance, de méfiance envers la communauté. Ceux qui appartiennent à nous gardent leur liberté. Nous ne reconnaissons aucune théorie. Nous avons assez des académies cubistes et futuristes : laboratoires d'idées formelles. Fait-on l'art pour gagner de l'argent et caresser les gentils bourgeois ? Les rimes sonnent l'assonance des monnaies et l'inflexion glisse le long de la ligne du ventre de profil. Tous les groupements d'artistes ont abouti à cette banque en chevauchant sur diverses comètes. La porte ouverte aux possibilités de se vautrer dans les coussins et la nourriture.

Ici nous jettons l'ancre dans la terre grasse. Ici nous avons le droit de proclamer car nous avons connu les frissons et l'éveil. Revenants ivres d'énergie nous enfonçons le trident dans la chair insoucieuse. Nous sommes ruissellements de malédictions en abondance tropique de végétations vertigineuses, gomme et pluie est notre sueur, nous saignons et brûlons la soif, notre sang est vigueur.

Le cubisme naquit de la simple façon de regarder l'objet : Cézanne peignait une tasse 20 centimètres plus bas que ses yeux, les cubistes la regardent d'en haut, d'autres compliquent l'apparence en faisant une section perpendiculaire et en l'arrangeant sagement à côté. (Je n'oublie pas les créateurs, ni les grandes raisons de la matière qu'ils rendirent définitives.) Le futuriste voit la même tasse en mouvement, une succession d'objet l'un à côté de l'autre agrémentée malicieusement de quelques lignes-forces. Cela n'empêche que la toile soit une bonne ou mauvaise peinture destinée au placement des capitaux intellectuels. Le peintre nouveau crée un monde, dont les éléments sont aussi les moyens, une œuvre sobre et définie, sans argument. L'artiste nouveau proteste : il ne peint plus (reproduction symbolique et illusionniste) mais crée directement en pierre, bois, fer, étain, des rocs, des organismes locomotives pouvant être tournés de tous les côtés par le vent limpide de la sensation momentanée.■ Toute œuvre picturale ou plastique est inutile; qu'il soit un monstre qui fait peur aux esprits serviles, et non douceâtre pour orner les réfectoires des animaux en costumes humains, illustrations de cette triste fable de l'humanité. —

Un tableau est l'art de faire se rencontrer deux lignes géométriquement constatées parallèles, sur une toile, devant nos yeux, dans la réalité d'un monde transposé suivant de nouvelles conditions et possibilités. Ce monde n'est pas spécifié ni défini dans l'œuvre, il appartient dans ses innombrables variations au spectateur. Pour son créateur, il est sans cause et sans théorie.

Ordre = désordre; moi = non-moi; affirmation = négation : rayonnements suprêmes d'un art absolu. Absolu en pureté de chaos cosmique et ordonné, éternel dans la globule seconde sans durée, sans respiration, sans lumière, sans contrôle. J'aime une œuvre ancienne pour sa nouveauté. Il n'y a que le contraste qui nous relie au passé. Les écrivains qui enseignent la morale et discutent ou améliorent la base psychologique ont, à part un désir caché de gagner, une connaissance ridicule de la vie, qu'ils ont classifiée, partagée, canalisée; ils s'entêtent à voir danser les catégories lorsqu'ils battent la mesure. Leurs lecteurs ricanent et continuent : à quoi bon ?

Il y a une littérature qui n'arrive pas jusqu'à la masse vorace. Œuvre de créateurs, sortie d'une vraie nécessité de l'auteur, et pour lui. Connaissance d'un suprême égoïsme, où les bois s'étiolent. ■ Chaque page doit exploser, soit par le sérieux profond et lourd, le tourbillon, le vertige, le nouveau, l'éternel, par la blague écrasante, par l'enthousiasme des principes ou par la façon d'être imprimée. Voilà un monde chancelant qui fuit, fiancé aux grelots de la gamme infernale, voilà de l'autre côté : des hommes nouveaux. Rudes, bondissants, chevaucheurs de hoquets. Voilà un monde mutilé et les médicastres littéraires en mal d'amélioration.

Je vous dis : il n'y a pas de commencement et nous ne tremblons pas, nous ne sommes pas sentimentaux. Nous déchirons, vent furieux, le linge des nuages et des prières, et préparons le grand spectacle du désastre, l'incendie, la décomposition. Préparons la suppression du deuil et remplaçons les larmes par les sirènes tendues d'un continent à l'autre. Pavillons de joie intense et veufs de la tristesse du poison. DADA est l'enseigne de l'abstraction; la réclame et les affaires sont aussi des éléments poétiques.

Je détruis les tiroirs du cerveau et ceux de l'organisation sociale : démoraliser partout et jeter la main du ciel en enfer, les yeux de l'enfer au ciel, rétablir la roue féconde d'un cirque universel dans les puissances réelles et la fantaisie de chaque individu.

La philosophie est la question : de quel côté commencer à regarder la vie, dieu, l'idée, ou n'importe quoi d'autre. Tout ce qu'on regarde est faux. Je ne crois pas plus important le résultat relatif, que le choix entre gâteau et cerises après dîner. La façon de regarder vite l'autre côté d'une chose, pour imposer indirectement son opinion, s'appelle dialectique, c'est-à-dire marchander l'esprit des pommes frites, en dansant la méthode autour.

Si je crie :
Idéal, idéal, idéal

Connaissance, connaissance, connaissance,

Boumboum, boumboum, boumboum,

j'ai enregistré assez exactement le progrès, la loi, la morale et toutes les autres belles qualités que différents gens très intelligents ont discutés dans tout des livres, pour arriver, à la fin, à dire que tout de même chacun a dansé d'après son boumboum personnel, et qu'il a raison pour son boumboum, satisfaction de la curiosité maladive; sonnerie privée pour besoins inexplicables; bain; difficultés pécuniaires; estomac avec répercussion sur la vie; autorité de la baguette mystique formulée en bouquet d'orchestre-fantôme aux archets muets, graissés de philtres à base d'ammoniaque animal. Avec le lorgnon bleu d'un ange ils ont fossoyé l'intérieur pour vingt sous d'unanime reconnaissance. ■ Si tous ont raison et si toutes les pilules ne sont que Pink, essayons une fois de ne pas avoir raison. ■ On croit pouvoir expliquer rationnellement, par la pensée, ce qu'il écrit. Mais c'est très relative. La psychanalyse est une maladie dangereuse, endort les penchants anti-réels de l'homme et systématise la bourgeoisie. Il n'y a pas de dernière Vérité. La dialectique est une machine amusante qui nous conduit / d'une manière banale / aux opinions que nous aurions eues de toute façon. Croit-on, par le raffinement minutieux de la logique, avoir démontré la vérité et établi l'exactitude de ses opinions ? Logique serrée par les sens est une maladie organique. Les philosophes aiment ajouter à cet élément : Le pouvoir d'observer. Mais justement cette magnifique qualité de l'esprit est la peuve de son impuissance. On observe, on regarde d'un ou de plusieurs points de vue, on les choisit parmi les millions qui existent. L'expérience est aussi un résultat du hasard et des facultés individuelles. ■ La science me répugne dès qu'elle devient spéculative-système, perd son caractère d'utilité — tellement inutile — mais au moins individuel. Je hais l'objectivité grasse et l'harmonie, cette science qui trouve tout en ordre. Continuez, mes enfants, humanité, gentils bourgeois et journalistes vierges... ■ Je suis contre les systèmes, le plus acceptable des systèmes est celui de n'en avoir par principe aucun. ■ Se compléter, se perfectionner dans sa propre petitesse jusqu'à remplir le vase de son moi, courage de combattre pour et contre la pensée, mystère du pain déclochement subit d'une hélice infernale en lys économiques :


LA SPONTANÉITÉ DADAISTE
Je nomme je m'enfoutisme l'état d'une vie où chacun garde ses propres conditions, en sachant toutefois respecter les autres individualités, sinon se défendre, le two-step devenant hymne national, magasin de bric-à-brac, T.S.F. téléphone sans fil transmettant les fugues de Bach, réclames lumineuses et affichage pour les bordels, l'orgue diffusant des œillets pour Dieu, tout cela ensemble, et réellement, remplaçant la photographie et le catéchisme unilatéral.

La simplicité active.

L'impuissance de discerner entre les degrés de clarté : lécher la pénombre et flotter dans la grande bouche emplie de miel et d'excrément. Mesurée à l'échelle Éternité, toute action est vaine — (si nous laissons la pensée courir une aventure dont le résultat serait infiniment grotesque — donnée importante pour la connaissance de l'impuissance humaine). Mais si la vie est une mauvaise farce, sans but ni accouchement initial, et parce que nous croyons devoir nous tirer proprement, en chrysantèmes lavés, de l'affaire, nous avons proclamé seule base d'entendement : l'art. Il n'y a pas l'importance que nous, reîtres de l'esprit, lui prodiguons depuis des siècles. L'art n'afflige personne et ceux qui savent s'y intéresser, recevront de caresses et belle occasion de peupler le pays de leur conversation. L'art est une chose privée, l'artiste le fait pour lui; une œuvre compréhensible est produit de journaliste, et parce qu'il me plaît en ce moment de mélanger ce monstre aux couleurs à l'huile : tube en papier imitant le métal qu'on presse et verse automatiquement, haine lâcheté, vilenie. L'artiste, le poète se réjouit du venin de la masse condensée en un chef de rayon de cette industrie, il est heureux en étant injurié : preuve de son immuabilité. L'auteur, l'artiste loué par les journaux, constante la compréhension de son œuvre : misérable doublure d'un manteau à utilité publique; haillons qui couvrent la brutalité, pissat collaborant à la chaleur d'un animal qui couve les bas instincts. Flasque et insipide chair se multipliant à l'aide des microbes typographiques. Nous avons bousculé le penchant pleurnichard en nous. Toute filtration de cette nature est diarrhée confite. Encourager cet art veut dire la digérer. Il nous faut des œuvres fortes, droites, précises et à jamais incomprises. La logique est une complication. La logique est toujours fausse. Elle tire les fils des notions, paroles, dans leur extérieur formel, vers des bouts, des centres illusoires. Ses chaînes tuent, myriapode énorme asphyxiant l'indépendance.

Marié à la logique, l'art vivrait dans l'inceste, engloutissant, avalant sa propre queue toujours son corps, se forniquant en lui-même et le tempérament deviendrait un cauchemar goudronné de protestantisme, un monument, un tas d'intestins grisâtres et lourds. Mais la souplesse, l'enthousiasme et même la joue de l'injustice, cette petite vérité que nous pratiquons innocents et qui nous rend beaux : nous sommes fins et nos doigts sont malléables et glissent comme les branches de cette plante insinuante et presque liquide; elle précise notre âme, disent les cyniques. C'est aussi un point de vue; mais toutes les fleurs ne sont pas saintes, heureusement, et ce qu'il y a de divin en nous est l'éveil de l'action anti-humaine. Il s'agit ici d'une fleur de papier pour la boutonnière des messieurs qui fréquentent le bal de la vie masquée, cuisine de la grâce, blanches cousines souples ou grasses. Ils trafiquent avec ce que nous avons sélectionné. Contradiction et unité des polaires dans un seul jet, peuvent être vérité. Si l'on tient en tout cas à prononcer cette banalité, appendice d'une moralité libidineuse, mal odorante. La morale atrophie comme tout fléau produit de l'intelligence. Le contrôle de la morale et de la logique nous ont infligé l'impassibilité devant les agents de police — cause de l'esclavage, — rats putrides dont les bourgeois ont plein le ventre, et qui ont infecté les seuls corridors de verre clairs et propres qui restèrent ouverts aux artistes.

Que chaque homme crie : il y a un grand travail destructif, négatif, à accomplir. Balayer, nettoyer. La propreté de l'individu s'affirme après l'état de folie, de folie agressive, complète, d;un monde laissé entre les mains des bandits qui déchirent et détruisent les siècles. Sans but ni dessein, sans organisation : la folie indomptable, la décomposition. Les forts par la parole ou par la force survivront, car ils sont vifs dans la défense, l'agilité des membres et des sentiments flambe sur leurs flancs facettés.

La morale a déterminé la charité et la pitié, deux boules de suif qui ont poussé comme des éléphants, des planètes et qu'on nomme bonnes. Elles n'ont rien de la bonté. La bonté est lucide, claire et décidée, impitoyable envers la compromission et la politique. La moralité est l'infusion du chocolat dans les veines de tous les hommes. Cette tâche n'est pas ordonnée par une force surnaturelle, mais par le trust des marchands d'idées et des accapareurs universitaires. Sentimentalité : en voyant un groupe d'hommes qui se querellent et s'ennuient ils ont inventé le calendrier et le médicament sagesse. En collant des étiquettes, la bataille des philosophes se déchaîna (mercantilisme, balance, mesures méticuleuses et mesquins) et l'on comprit une fois de plus que la pitié est un sentiment, comme la diarrhée en rapport avec le dégoût qui gâte la santé, l'immonde tâche des charognes de compromettre le soleil.

Je proclame l'opposition de toutes les facultés cosmiques à cette blennhorragie d'un soleil putride sorti des usines de la pensée philosophique, la lutte acharnée, avec tous les moyens du

DÉGOÛT DADAÏSTE 
Tout produit du dégoût susceptible de devenir une négation de la famille, est dada ; protestation aux poings de tout son être en action destructive : DADA ; connaissance de tous les moyens rejetés jusqu'à présent par le sexe publique du compromis commode et de la politesse : DADA ; abolition de la logique, danse des impuissants de la création : DADA ; de toute hiérarchie et équation sociale installée pour les valeurs par nos valets :DADA ; chaque objet, tous les objets, les sentiments et les obscurités, les apparitions et le choc précis des lignes parallèles, sont des moyens pour le combat : DADA ; abolition de la mémoire : DADA ; abolition de l'archéologie : DADA ; abolition des prophètes : DADA ; abolition du futur : DADA ; croyance absolue indiscutable dans chaque dieu produit immédiat de la spontanéité : DADA ; saut élégant et sans préjudice d'une harmonie à l'autre sphère; trajectoire d'une parole jetée comme un disque sonore cri; respecter toutes les individualités dans leur folie du moment : sérieuse, craintive, timide, ardente, vigoureuse, décidée, enthousiaste; peler son église du tout accessoire inutile et lourd; cracher comme une cascade lumineuse la pensé désobligeante ou amoureuse, ou la choyer — avec la vive satisfaction que c'est tout à fait égal — avec la même intensité dans le buisson, pur d'insectes pour le sang bien né, et doré de corps d'archanges, de son âme. Liberté : DADA DADA DADA, hurlement des douleurs crispées, entrelacement des contraires et de toutes les contradictions, des grotesques, des inconséquences :LA VIE.


jeudi 10 novembre 2011

GEORGE GROSZ : NAISSANCE DADA



DADA-BERLIN : Geore GROSZ

Dès que je commençai à vivre consciemment, je découvris qu'il n'y avait pas grand'chose à attendre de la gloire et surtout de nos contemporains. (...) Pour atteindre à un style qui pût rendre la dureté et la laideur de mes objets, j'étudiai les manifestations de l'instinct artistique. Je copiais dans les pissoirs les dessins folkloriques parce qu'ils semblaient être l'expression la plus directe et la traduction la plus exacte de sentiments forts. De la même façon les dessins d'enfants m'inspiraient parce qu'ils sont sans équivoque. (...) Démobilisé, de retour à Berlin, j'ai vécu les débuts du mouvement DADA. Ce mouvement avait ses racines dans ma conviction et dans celle d'autres camarades que c'était folie de croire qu'un « esprit » (Geist) quelconque règne sur ce monde. Goethe sous le feu roulant. Nietzsche dans le sac du soldat. Jésus dans les tranchées. Il y a toujours eu des gens pour croire à la puissance de l'« esprit » et de l'art. Comme nous parlons ici d'art, encore quelques mots sur le dadaïsme, le seul mouvement artistique en Allemagne depuis des dizaines d'années. Ne souriez pas : par ce mouvement tous les « ismes » de l'art sont devenus de petites affaires d'atelier d'avant-hier. Le dadaïsme n'était pas un mouvement idéologique mais un produit organique, né pour lutter contre toutes les tendances nuageuses de l'Art qui réfléchissait sur les cubes ou le gothique tandis que les maréchaux peignaient avec du sang. Le dadaïsme a forcé les artistes à prendre position. Qu'ont fait les dadaïstes ? Ils ont dit : il importe peu que l'on produise un sifflement ou que l'on fasse un sonnet de Pétrarque ou de Rilke, que l'on dore les talons ou que l'on sculpte des madones, on tire quand même, on pratique l'usure, on a faim, on ment, à quoi bon l'Art. Aujourd'hui je sais, et avec moi tous les fondateurs du dadaïsme savent, que notre seule erreur était de prendre au sérieux ce prétendu Art. Le dadaïsme était le réveil de cette illusion. Nous avons vu les résultats idiots de l'ordre de la société régnante et nous avons éclaté de rire. Nous ne voyions pas encore qu'au fond de cette folie il y avait un système. La révolution, en s'approchant, nous a fait prendre conscience de ce système.

(George GROSZ, « Entretien», G. Material zur elementaren Gestaltung, 1923)

George Grosz est sans doute le dessinateur qui a le mieux pressenti l’arrivée du nazisme en Allemagne ; à tel point que, malgré la violence de son graphisme, ses dessins illustrent régulièrement les dossiers, les documents, voire même les manuels scolaires traitant de l’Allemagne pré-hitlérienne.

Mais, plus que la richesse de son style et ses différentes expériences graphiques, c’est sa haine du militarisme, du nationalisme, du clergé et de la bourgeoisie qui fascinent. Une haine cruelle qui le fera dessiner ses contemporains, à commencer, dès la fin juillet 1913, par la bourgeoisie dont il est issu : « Mon second moi grogne qu’il se sent bien. (C’est l’un de mes nombreux moi qui m’habitent.) Je suis assis dans un fauteuil, recouvert de velours d’un vert très végétal. Dans ma main, je tiens un grand verre de vin de fraises couleur framboise... J’ai sous ma tête un petit coussin avec des pompons... Le plus souvent confectionnés par de vieilles demoiselles, qui attendent encore l’homme de leur vie, et c’est ainsi, dit-on, que rembourré d’un peu d’esprit conservateur et résigné, le coussin sert de paratonnerre contre les idées démocrates et anarchistes ce qui explique sa vogue dans les milieux bourgeois. » (lettre à Robert Bell).

Mais si, à cette époque, il semble manifester une certaine sympathie pour les travailleurs et les chômeurs, il reste plus intéressé par la littérature et sa rébellion intérieure : « Durant l’avant-guerre, j’avais tiré cette unique conclusion de mon expérience : les hommes sont des porcs. Parler d’éthique, c’est une duperie, un piège tendu pour les imbéciles, la vie n’a aucun autre sens que la satisfaction du besoin de nourriture et de femmes. L’âme n’existe pas. L’important, c’est d’avoir le nécessaire. » (L’Art en danger, 1925).

Alors qu’il est, selon ses propres dires, encore apolitique, bien qu’il ait plus ou moins renié sa classe et la religion, il s’engage comme volontaire en 1914 pour la Première Guerre mondiale. Dès 1915, il est libéré pour raison de santé et, en septembre, dans une lettre à Robert Bell, il déclare : « Cette époque que j’ai vécue dans le carcan du militarisme était une défense perpétuelle - et je sais que tous les actes que j’accomplissais alors me dégoûtaient au plus profond de moi-même. Voici l’un de mes rêves : peut-être y aura-t-il là encore des changements, des révoltes / peut-être un jour le socialisme international exsangue aura-t-il la force de se soulever ouvertement / et après Guillaume II et le Kronprinz c’est un rêve fantastique, et rien de plus..., les envoyer à l’abattoir ! »

George Grosz, sur qui plane en permanence la menace d’une réincorporation, change son prénom (Georg) autant par antinationalisme que par amour de l’Amérique. C’est à cette époque que son antimilitarisme se transforme en antinationalisme farouche : « C’est exact, je suis un adversaire de la guerre, c’est-à-dire que je m’oppose à tout système qui exerce une contrainte sur moi. Ceci dit, d’un point de vue purement esthétique, je me réjouis toujours pour chaque Allemand qui va trouver sur le champ d’honneur (comme c’est beau !) une mort héroïque. Être Allemand, cela veut toujours dire être dénué de goût, être bête, haineux, gros, rigide. Cela signifie ne plus pouvoir monter à une échelle à quarante ans, être mal habillé, être réactionnaire de la pire espèce. Sur cent Allemands, il n’y en a pas un seul qui se lave parfois de la tête aux pieds. » (lettre à Robert Bell, 1916).

Réincorporé le 4 janvier 1917, il sera transféré dans divers centres hospitaliers, ce qui n’attendrira pas sa vision du monde : « Tout est sombre autour de moi, et les heures s’envolent en noircissant. Mieux vaut.. Pardieu, je ne suis plus heureux, ma haine pour les hommes a atteint des proportions monstrueuses... J’ai l’impression d’avancer vers la neurasthénie... je parcours des enfers briqués à neuf... Souvent, la mort cliquette en chancelant mélodieusement entre les lits puants... Écrivez-moi, ici je suis totalement seul... Votre G. décédé. » (lettre à Otto Schmalhausen ; 18 janvier 1917).

Bien qu’encore davantage guidé par ses haines et ses refus individuels, G. Grosz, qui parle alors anglais par provocation antipatriotique, ne se définit plus comme « apolitique » mais comme « individualiste » : « On se demande comment il est possible que des millions d’être humains puissent vivre sans esprit, sans aucune vision précise des événements réels, des êtres qui, dès leur enfance, à l’école, reçoivent sans broncher dans leurs stupides yeux aqueux le sable qu’on leur jette, dont on bourre l’esprit avec les attributs de la réaction la plus abrutissante. Dieu, la Patrie et le Militarisme. » (lettre à Robert Bell, 1916).

Cependant, G. Grosz s’engagera dans le mouvement dadaïste, où, avec son camarade John Heartfield (l’"inventeur" du photomontage politique), ils défendront la Révolution soviétique (à une époque où, il est vrai, on pouvait y croire honnêtement). Adhérant au Parti communiste allemand depuis le 31 décembre 1918, ils écrivaient en 1919, dans la revue Der Gegner : « Celui qui veut que l’on considère l’activité de son pinceau comme une mission divine est une canaille. Aujourd’hui, où un soldat rouge graissant son fusil a plus d’importance que toute l’oeuvre métaphysique des peintres. Les notions d’art et d’artiste sont des inventions de bourgeois et la place qu’ils occupent dans l’État ne peut être que du côté de la bourgeoisie. Le titre d’artiste est une insulte. La dénomination art est l’annulation de l’égalité entre les hommes. Déifier l’artiste équivaut à se déifier soi-même. L’artiste n’est jamais au-dessus de son milieu et de la société de ceux qui l’acclament (...). Il n’y a qu’une seule tâche : accélérer la ruine de cette civilisation d’exploiteurs par tous les moyens, le plus intelligemment et le plus conséquemment possible. Toute indifférence est contre-révolutionnaire ! Nous appelons tout le monde à prendre position contre le respect masochiste des valeurs historiques, contre la culture et l’art ! »

L’écrasement des mouvements spartakistes et des Conseils de Bavière (où des anarchistes tels que Mühsam, Landauer et Marut/Traven jouèrent un rôle important) par les sociaux démocrates Ebert et Noske, avec l’aide de l’armée et des corps-francs, radicalisera davantage les dessins de G. Grosz : Noske buvant à la mort de la jeune révolution (1919) ; Ouvriers jugeant l’armée sous le portrait de Karl Liebnecht (1919). Mais c’est principalement au sein du mouvement dadaïste que Grosz pourra pousser la provocation à son paroxysme. Ainsi, à la première messe dada internationale, organisée à Berlin en 1920 « une course fut organisée entre une machine à coudre mue par G. Grosz et une machine à écrire actionnée par Walter Mehring. Au plafond pendait l’effigie empaillée d’un officier à tête de porc, et pourvue d’une pancarte : « pendu par la révolution » (Weimar une histoire culturelle de l’Allemagne des années 20, de W. Laqueur, Robert Laffont, pages 134-135).

Bien qu’il ait quitté le Parti communiste allemand probablement dès 1923, Grosz collabore encore à l’organe de ce parti. Il continue à croquer des bourgeois repus et obscènes, des militaires grotesques et arrogants. Suivant de près l’actualité politique, il dessinera également, en 1926, la statue de la liberté couverte de sang et brandissant une chaise électrique à la suite de la condamnation à mort des anarchistes Sacco et Vanzetti. Mais c’est le recueil de dessins qu’il avait réalisé pour l’adaptation par Piscator des Aventures du brave soldat Chveïk de l’anarchiste tchèque Jaroslav Hasek qui lui vaudra le plus de tracas, en vertu d’une loi contre le blasphème : « George Grosz, le grand dessinateur révolutionnaire allemand et son éditeur Wieland Herzfelde ont été condamnés, lundi dernier, par le tribunal de Charlottenburg, chacun à deux mois de prison et deux mille marks d’amende. Motif : calomnie et atteinte portées aux institutions publiques de l’Église, que défend le § 166 du Code pénal. » (Monde, dirigé par Barbusse, décembre 1928).


Il est particulièrement reproché à Grosz d’avoir dessiné le Christ crucifié avec des bottes allemandes et un masque à gaz sur une croix menaçant de tomber, avec la légende suivante : « Taire sa gueule et continuer à servir ».

En ce qui concerne la montée du nazisme, on peut dire que Grosz fut d’une lucidité étonnante et cynique. Ainsi, dès 1930, il déclarait : « Dans les deux mouvements (socialiste et national-socialiste), on trouve le même désir de recevoir les ordres d’en haut, et d’y obéir avec le petit doigt sur la couture du pantalon » (Das Kunstblatt, 1931).

Et, encore plus troublant, « au cours d’une conversation avec Thomas Mann, Grosz prédit en 1933 qu’Hitler ne tiendrait pas six mois mais six ans ou même dix ans ; que les Allemands qui l’avaient élu le méritaient, que le nazisme et le communisme étaient tous deux des régimes de terreur et d’esclavage et que d’ici quelques années, on assisterait à une alliance entre Hitler et Staline » (Weimar une histoire culturelle de l’Allemagne des années 20, de W. Laqueur, Robert Laffont).

Grosz eut la chance de pouvoir émigrer aux États-Unis avant que la répression ne le frappe. Il fut le premier à se voir retirer sa nationalité par les nouvelles autorités qui, par ailleurs, lui réservèrent une place de choix dans leur exposition sur l’art dégénéré organisée en 1937.
Bien qu’il dessine encore de temps à autres sur des sujets d’actualité (sur les camps de concentration, Franco, etc.), Grosz s’assagira considérablement et le reste de son oeuvre est beaucoup plus traditionnelle et nettement moins intéressante. Notons tout de même que, bien qu’il ait réagi de façon « parfaitement cynique » à la mort de son ami Erich Mühsam en camp de concentration (aux dires de Piscator, également exilé aux États-Unis), il dessinera le calvaire de celui-ci... Ayant pris la nationalité américaine, il ne retournera définitivement à Berlin qu’en 1959, où il meurt le 6 juillet.

Grosz, dessinateur cruel et cynique témoin d’une époque ? Peut-être... Ou bien un moraliste, comme le laisse entendre la réponse qu’il donnait au juge qui l’accusait de briser les règles morales : « Même ne représentant les choses les plus laides, comme je l’ai fait dans cette oeuvre, et dont on pourrait penser qu’elles déconcerteront un certain nombre de gens, j’accomplis à mon avis un travail éducateur, et précisément grâce à ces laideurs mêmes. Car lorsque je représente un vieil homme avec toute la laideur de la sénilité, de son corps incontrôlé, c’est pour que l’on prenne soin de son corps dès la jeunesse, pour qu’on l’entraîne par le sport, etc. Même lorsqu’ils représentent les choses les plus détestables, mes dessins sont toujours l’expression de certaines tendances morales... » (Compte rendu du procès d’Ecce Homo, publié dansDas Tagebuch, 23 février 1924).

mercredi 9 novembre 2011

MANIFESTE DADA... HUGO BALL

Manifeste Dada

par Hugo Ball
Dada a son origine dans le dictionnaire. C'est terriblement simple. En français cela signifie « cheval de bois ». En allemand « va te faire, au revoir, à la prochaine ». En roumain « oui, vraiment, vous avez raison, c'est ça, d'accord, vraiment, on s'en occupe » etc...


C'est un mot international. Seulement un mot. Et ce mot comme mouvement. C'est simplement terrible. Si on en fait une tendance de l'art cela signifie qu'on veut prévoir des complications. Psychologie dada, littérature dada, bourgeois dada, et vous très honoré poète qui avez toujours fait de la poésie avec des mots, mais jamais avec le mot même. La guerre mondiale dada et pas de fin. La révolution dada et pas de commencement. Dada vous les amis, qui faites aussi de la poésie, très chers évangélistes. Dada Tzara, Dada Huelsenbeck, Dada m'dada, Dada mhm'dada, Dada Hue, Dada Tza. Comment atteindre la félicité éternelle. En disant Dada. Comment devient-on célèbre ? En disant Dada. Avec un geste noble et des manières raffinées. Jusqu'à la folie, jusqu'à l'évanouissement. Comment peut-on se débarrasser de tout ce qui est anguille et journalier, de tout ce qui est l'aimable et l'adorable, de tout ce qui est moralité, animalité, préciosité. En disant Dada. Dada c'est l'âme du monde, Dada c'est le grand truc, Dada c'est le meilleur savon au lait de lys du monde. Dada monsieur Rubiner, Dada monsieur Korrodi, Dada monsieur Anastasius Lilienstein. Cela veut dire en allemand : l'hospitalité de la Suisse est par-dessus tout appréciable, et ce qui importe dans l'esthétique, c'est la norme. Je lis des vers dont l'intention n'est pas moins que cela : se passer du langage. Dada Johann Fuchsgang Goethe. Dada Stendhal. Dada buddha, Dalai Lama, Dada m'dada, Dada m'dada, Dada mhm'dada. 


Ce qui importe c'est le lien et qu'il soit d'abord un peu interrompu. Je ne veux pas de mots qui ont été inventés par d'autres. Tous les mots ont été inventés par les autres. Je veux ma propre bêtise et en plus des voyelles et des consonnes qui lui correspondent. Si une vibration mesure 7 cm, je veux justement des mots qui mesurent 7 cm. Les mots de M. Dupont ne mesurent que 2 cm 1/2. On peut très bien voir comment se crée le langage articulé. Je laisse tout simplement tomber des sons. Des mots surgissent, des épaules de mots ; des jambes, des bras, des mains de mots. Au, Oi, U. Il ne faut pas laisser venir trop de mots. Un vers c'est l'occasion de pouvoir se passer de mots et de langage. Ce langage maudit, auquel colle la crasse comme à des mains de courtiers, qui ont usé les pièces de monnaie. Je veux le mot là où il s'arrête et là où il commence. 


Chaque chose a son mot ; c'est là que le mot lui-même est devenu une chose. Pourquoi l'arbre ne peut-il pas s'appeler Plouplouche et Plouploubache quand il a plu ? et pourquoi doit-il s'appeler quoi que ce soit ? Avons-nous à accrocher partout notre bouche ? Le mot, le mot, les maux justes en ce lieu, le mot, messieurs, c'est une affaire publique de première importance.

Hugo Ball - juillet 1916

MANIFESTE DADA...

Manifeste DADA

Les cubistes veulent couvrir Dada de neige; ça vous étonne mais c'est ainsi, ils veulent vider la neige de leur pipe pour recouvrir Dada.
Tu en es sûr?
Parfaitement, les faits sont révélés par des bouches grotesques. Ils pensent que Dada peut les empêcher de pratiquer ce commerce odieux : Vendre de l'art très cher.
L'art vaut plus cher que le saucisson, plus cher que les femmes, plus cher que tout.
L'art est visible comme Dieu! (voir Saint-Sulpice).
L'art est un produit pharmaceutique pour imbéciles.
Les tables tournent grâce à l'esprit; les tableaux et autres œvres d'art sont comme les tables coffres-fort, l'esprit est dedans et devient de plus en plus génial suivant les prix de salles de ventes.
Comédie, comédie, comédie, comédie, comédie, mes chers amis.
Les marchands n'aiment pas la peinture, ils connaissent le mystère de l'esprit............
Acheter les reproduction des autographes.
Ne soyez donc pas snobs, vous ne serez pas moins intelligents parce que le voisin possédera une chose semblable à la vôtre.
Plus de chiures de mouches sur les murs.
Il y en aura tout de même, c'est évident, mais un peu plus moins.
Dada bien certainement va être de plus en plus détesté, son coupe-file lui permettant de couper les processions en chantant "Viens Poupoule ", quel sacrilège!!!
Le cubisme représente la disette des idées.
Ils sont cubé les tableaux des primitifs, cubé les sculptures nègres, cubé les violons, cubé les guitares, cubé les journaux illustrés, cubé la merde et les profils de jeunes filles, maintenant il fout cuber de l'argent!!!
Dada, lui, ne veut rien, rien, rien, il fait quelque chose pour que le public dise: "nous ne comprenons rien, rien, rien".
"Les Dadaïstes ne sont rien, rien, rien, bien certainement ils n'arriveront à rien, rien, rien".

Francis PICABIA
qui ne sait rien, rien, rien.


mardi 8 novembre 2011

LE MOUVEMENT DADA

DADA, la rébellion artistique


La ville de Zurich vit naître le Mouvement Dada le 8 février 1916. Les fondateurs du mouvement choisirent ce nom par hasard, en ouvrant le dictionnaire Larousse qui leur révéla ce substantif, après que l’un d’eux eût posé son doigt sur une page ouverte, à la ligne du mot dada.

À la suite de révoltes individuelles contre l’avancée de la société occidentale, et cristallisée par l’ampleur du conflit de la Première Guerre Mondiale, la contestation culturelle du moment prit les traits de Dada pour se manifester au travers d’une truculence provocatrice à laquelle se mêla une certaine dérision. Des artistes émigrés de tous les pays en guerre se regroupèrent ainsi, pour protester contre les « oreillettes de la société », en refusant les valeurs saintes et incontournables qui avaient eu cours jusque là.

Après sa création en Suisse Allemande par le peintre et sculpteur Hans ARP, et par l’écrivain roumain Tristan Tzara, ainsi que par les poètes allemands Hugo Ball et Richard Hülsenbeck, aux côtés du peintre roumain Marcel JANCO et du peintre et cinéaste allemand Hans RICHTER, le mouvement s’implanta à New York par la forte personnalité de Marcel DUCHAMP, et de celles de Francis PICABIA et Man RAY, avant de gagner Berlin, pour s’installer ensuite à Cologne avec ARP et Max ERNST, et s’éteindre enfin à Hanovre.

Jean ARP (1887-1966)

Les artistes de Dada tournèrent en ridicule les notions traditionnelles de religion, de patrie, d’honneur et de morale. A la création du Mouvement DADA, la neutralité de la Suisse accueillit la protestation commune des artistes, ainsi que la création du « Cabaret Voltaire » qui comportait une scène où chacun pouvait s’exprimer dans ce club qui servait également de lieu d’expositions. Le premier accrochage eut lieu à Zurich en 1917, pour proposer des œuvres de ARP, De CHIRICO, ERNST, KANDINSKY, KLEE, KOKOSCHKA, MARC, MODIGLIANI et PICASSO.

À cette occasion, ARP, le membre le plus important du groupe, illustra les poèmes de Tzara et de Hülsenbeck, et créa les premières formes libres et mouvantes issues du subconscient. Ces créations révélèrent des collages qui rappelaient ceux des Cubistes exécutés plus tôt dans d’autres intentions.

À New York, l’artiste français Marcel DUCHAMP qui s’était installé là depuis 1915, fit figure de précurseur du Mouvement Dada Américain, en refusant méthodiquement l’esthétisme, pour « fabriquer » les objets usuels qu’il éleva au rang d’œuvres d’Art. Il baptisa ses créations personnelles et singulières « Ready-made », et s’entoura du photographe Man Ray et de PICABIA pour fonder une association parallèle au Cabaret Voltaire de Zurich, ainsi qu’une revue qui eut pour nom « 291 ».

À la fin de l’année 1916, PICABIA rentra en Europe, et s’installa à Barcelone où il créa la revue « 391 », avant de gagner Zurich pour établir le contact avec ses amisDadaïstes de Suisse Allemande. En décembre 1918, le troisième numéro de la Revue Dada parut, pour exposer le manifeste du Mouvement qui, au travers de sa tendance destructrice, se heurta à une critique soutenue du grand public.
Jean ARP


À Paris, le mouvement s’entoura surtout des personnalités des écrivains et artistes qui avaient pour noms Breton, Aragon, Soupault, Eluard et Péret, et le 6 juin 1922, la Galerie Montaigne ouvrit un « Salon Dada », avant que ne survînt la dislocation du mouvement en conséquence des oppositions inconciliables qui entretenaient plusieurs groupes.

Les artistes de Dada, révoltés par les différents conflits qui sévissaient sur la planète, contestèrent tous les fondements de la civilisation moderne, et manifestèrent leur opposition par la destruction, le scandale, l’humour, la dérision et la subversion. En tant que mouvement, Dada n’exerça qu’une critique négative, car son but n’était pas la création de l’Oeuvre d’Art dans le sens traditionnel, mais le scepticisme destructeur, et le cynisme du doute porté sur tout ce qui était honoré, honorable et éprouvé.

Man Ray

Les bouleversements politiques, économiques, sociaux et culturels liés aux années de guerre favorisèrent donc l’ascension de ce mouvement qui devint une tribune où chacun pouvait protester à sa manière. Le mouvement se manifesta autant par le comportement et la façon de penser de ses adhérents, que par leur production plastique.

Des soirées publiques improvisées mélangèrent l’Art et les Lettres, et de nombreux manifestes et revues virent le jour. La peinture des Artistes Dada se situa entre les collages desCubistes, et les combinaisons-compositions des Surréalistes. Sans programme défini, et sans exprimer une réelle notion du beau, puisqu’ils combattaient toute esthétique traditionnelle, les Dadaïstes, parfaitement libres dans la forme à donner à leurs idées, apparurent, et ce malgré leurs théories négatives, comme de vrais créateurs, en raison des fortes personnalités du mouvement qui ne pouvaient refouler à jamais leur talent intrinsèque.

Francis PICABIA + Tristan Tzara

Dans leurs créations, les artistes associèrent des éléments aussi disparates que du sable, des morceaux de toile, de la laine, des cheveux, des morceaux de bois, des lacets et des photographies. Les individualités s’exprimèrent en toute liberté, pour mettre à jour des techniques et des formes inventives. 

Les « ready-made » de DUCHAMP retiraient les objets quotidiens de leurs contexte utilitaire, pour les transposer dans le monde de l’Art, en leur donnant un nouveau statut.

Dignes héritiers des Symbolistes, les Dadaïstes ressentirent les perturbations de la société occidentale liées aux divers progrès scientifiques qu’étaient les mathématiques et la physique, ainsi que la psychanalyse en plein essor.

Le « Merz », assemblage ou collage de déchets trouvés à l’extérieur, tels que tickets de bus, chiffons et diverses pièces industrielles, côtoyait le photomontage qui rassemblait sur des surfaces planes des photographies découpées dans des magazines.

Le hasard s’entoura de l’imprévisible, et les œuvres de ARP, au travers de leurs formes élémentaires collées en grandes surfaces, renoncèrent à un quelconque lien avec des formes objectives. L’Art Dada inventa le « rayogramme » qui était le résultat de la brève exposition d’un papier photographique sur lequel l’artiste disposait des objets divers, ou inventa encore le « Roto-relief » qui représentait une sensation de relief sur un disque en vinyl recouvert d’un graphisme, après qu’un mouvement eut fait bouger le disque.

Francis PICABIA (1879-1953)

Malgré certains aspects négatifs, rejetant notamment les traditions parfois surannées, Dada contribua au travers de ses fougueuses poussées, à extraire des formes nouvelles tirées du subconscient, et contribua plus encore à révéler les signes précurseurs du Surréalisme qui allait suivre.

mercredi 9 mars 2011

HENRY MILLER

Écrivain américain dont l'œuvre combat le puritanisme anglo-saxon, l'hypocrisie bourgeoise et, plus généralement, la civilisation occidentale (et par là même sa culture, ses traditions et ses coutumes, son histoire, ses arts, sa science, ses méthodes d'enseignement et d'éducation; il ne voit partout que la dégradation de l'homme). Il fait l'éloge d'une existence et d'une sexualité libérée…

Henry Miller naît à NewYork le 26 décembre 1891, de parents d'origine allemande (fils d'un modeste tailleur), Miller est un enfant de Brooklyn, et plus particulièrement de la rue dont il fait son domaine: "Ce qui ne se passe pas en pleine rue est faux, c'est-à-dire littérature." (préface de « Black Spring » écrit en 1936).

Après de brèves études au City College de NewYork, il exerce divers petits métiers (notamment chef des coursiers à la Western Union Telegraph Company, métiers qu'il raconte dans « Sexus » et qui le met en contact avec les types d'humanité les plus variés).

Il se marie en 1917, mais quitte bientôt sa femme (Maude dans « Sexus »). Il fait, à l'occasion d'un voyage dans l'Ouest, la connaissance d'Emma Goldman (1869/1940, révolutionnaire et anarchiste russe d'origine américaine qui publia de 1906 à 1917 « Mother Earth », un mensuel anarchiste) qui lui fait connaître Nietzsche, Bakounine, Strindberg, Ibsen.

En 1922, il écrit son premier livre, « Clipped wings », resté inédit. En 1923, il épouse June Edith Smith (rencontrée dans un dance palace de Broadway), la seule femme qui compta dans sa vie (bien qu'il se fût marié cinq fois), et celle qui hante la plupart de son œuvre, la Mona-Mara des « Tropiques » et de la « Crucifixion en Rose » (1949).

Au cours de cette union qui dura sept ans, Miller, incapable de supporter la moindre contrainte extérieure, autodidacte absolu, fait le serment de ne se consacrer qu'exclusivement à la littérature et s'établit, dès 1930, à Paris, où, pendant dix années, il mène la vie de bohême évoquée dans trois romans autobiographiques, « Tropique du Cancer » (1934), publié grâce à la contribution d'Anaïs Nin, « Printemps Noir » (1936) et « Tropique du Capricorne », (1939).
Jugés pornographiques, ces ouvrages furent interdits de publication aux États-Unis mais circulèrent clandestinement et contribuèrent à donner à leur auteur une réputation d'avant-gardiste.
Fuyant la guerre, Miller se rend en Grèce à Corfou, où l'a invité son ami Lawrence Durrel (romancier et poète britannique amoureux de la complexité et de la beauté des paysages méditerranéens; lire « Correspondance Privée » qui reconstitue son amitié avec H. Miller) et en rapporte le « Colosse de Maroussi » (1941), consacré à la Grèce de simples paysans vivant en communion avec l'âme du passé et de l'univers.

À son retour en 1940, un voyage à travers les États-Unis en compagnie du peintre Abe Rattner lui inspire le « Cauchemar Climatisé » (1945), suivi de « Souvenirs, Souvenirs » (1947), féroce diatribe contre "!la civilisation américaine qui n'a abouti qu'à créer un désert spirituel et culturel!".

Seuls sont épargnés les anticonformistes, ceux qui ont su préserver leur innocence primitive et résister à l'aliénation de la civilisation industrielle. Retiré à Big Sur (son "Jardin des Délices"), en Californie, où il mène une vie de reclus, Miller évoque NewYork (Dimanche après guerre, 1945), la nature paradisiaque de BigSur, qui incite au retour à la sagesse, à la dignité et à l'harmonie dans l'univers (« BigSur et les oranges de Jérôme Bosch », 1957).

Des essais (« Le Monde du Sexe », 1940 ; « Les Livres de ma Vie », 1952 ; « The Time of the Assassins : A Study of Rimbaud », 1956) révèlent le souci de bâtir une légende personnelle mais aussi le gauchissement de l'écriture, devenue "littéraire", au sens péjoratif où l'entendait Miller.

La seconde trilogie, la « Crucifixion en Rose » (Sexus, 1949 ; Plexus, 1953 ; Nexus, 1960) participe de la même mythologie de l'écriture ainsi que d'une volonté anthropocentrique: revenant sur les années 1923-1928, Miller dit, à travers un enchevêtrement de portraits, de dialogues et de confidences, tout ce qui a marqué sa sensibilité ou son esprit.

Manifestant un vif intérêt pour la peinture, seule apte à appréhender le réel (« Peindre, c'est aimer à nouveau », 1960 ; « Virage à 80 », 1973), Miller est également l'auteur de « Jours tranquilles à Clichy » (1966) et d'une correspondance avec Lawrence Durrell (publiée en 1963) et Wallace Fowlie (publiée en 1975).

Souvent jugée scandaleuse parce que incomprise, parfois qualifiée d'antiféministe, son œuvre a exercé une profonde influence sur les écrivains de la Beat Generation.
L'œuvre de Miller est presque totalement autobiographique. Comme les grands écrivains américains de sa génération, Miller est un prodigieux conteur. Mais, par ses élans prophétiques, l'omniprésence dans ses textes du rêve et du fantasme, il s'en démarque profondément, tandis que le sens même de sa démarche artistique reflète une exigence vitale qui l'apparente à Rimbaud : "Je cherche tous les moyens d'expression possibles et imaginables et c'est comme un bégaiement divin."
Miller est en outre un contempteur impitoyable de l'Amérique, de son matérialisme, de la perversité de ses mœurs, de son "cauchemar climatisé". À cela, il faut opposer la jeunesse de ses quatre-vingts ans (« Virage à 80 », 1973). L'obscénité, qu'il manie avec une violence incomparable, est d'abord une arme dirigée contre l'hypocrisie de la morale puritaine. Mais elle apparaît aussi, dans une perspective érotique propre à l'auteur, comme un instrument de libération du moi qui dépasse largement l'émancipation sociale.

Mystique et sensualiste tout à la fois, Henry Miller aspire à une transformation totale de l'homme, une accession à un plan supérieur où, ayant touché au paroxysme de la joie et de la douleur, l'individu pleinement réalisé puisse, avec Miller, déclarer : "Ma vie n'a été qu'une longue crucifixion en rose" (Nexus).

La recherche d'une telle intensité, dans l'existence comme dans la création, lui confère une place unique dans la littérature moderne. Il meurt à Pacific Palisades, Californie en 1980.

Miller est-il vraiment l'un des responsables de cette libération des mœurs que l'on a observée dans les années 1960-1970 non seulement en Amérique mais aussi dans le monde occidental tout entier, ou ne l'a-t-il que prévu avec beaucoup d'acuité ?

Toute la question de l'importance et de l'influence de l'écrivain est ainsi formulée. Après que les hippies , ainsi que la plus grande partie de la jeunesse américaine en révolte, eurent été sous les feux de la rampe, on a perdu de vue le rôle capital qu'a eu Miller dans l'ébranlement, non seulement du puritanisme, mais de toute cette société étriquée du XIXe siècle qui se perpétue dans le XXe…

On dit que les jeunes ne lisent plus Miller ou presque pas. Mais ils ont lu les Kerouac, les Ginsberg, Mailer, Corso, Ferlinghetti, qui tous sont issus presque directement de Miller.

Bien sûr, avant Miller, il y avait eu D. H. Lawrence. Mais il faut savoir mesurer la distance entre les deux, qui n'est rien de moins qu'énorme. Une Kate Millett (« Sexual Politics »), qui ne peut certainement pas être accusée de préjugés favorables, puisqu'elle condamne Miller au nom de la femme, dit que Lawrence aurait probablement été scandalisé par lui. On oublie peut-être que, en s'attaquant avec une telle férocité aux mœurs sexuelles, Miller s'en prenait en toute connaissance de cause au fondement même de l'édifice social, qui pour lui emprisonne l'homme. Il le dit clairement dans « Tropique du Cancer ».

Si les jeunes ne le lisent plus, en cela même ne sont-il pas fidèles à cet aspect tellement antilittéraire de Miller, "où l'art, dit-il, doit être le fait de chacun" ? Cet autre aspect typiquement millérien, les jeunes le mettent de plus en plus en pratique…. Henry Miller semble être de la taille de ces géants authentiques qui dépassent leur époque, pour aider à la création de celles à venir, et qui ne peuvent être jugés à leur vraie mesure qu'avec beaucoup de recul.

Interview d'Henry Miller au "Sel de la Semaine" par Fernand Séguin :







Bibliographie :
"Clipped Wings" (1922) / inédit
"Tropique du Cancer" (1934) Gallimard Folio  (Tropic of Cancer)
"Aller-Retour New York" (1935) Buchet Chastel 
"Printemps Noir" (1936) (Black Spring)
"Max et les Phagocytes" (1938) Livre de Poche  (Max and the Phagocytes)
"L'Argent, son Evolution" (1938) (The Money and how it get's that Way)
"Tropique du Capricorne" (1939) Livre de Poche 44 Frs (Tropic of Capricorn)
"L'oeil du Cosmos" (1939) (The Cosmological Eye)
"Colosse de Maroussi" (1941) Livre de Poche (The Colosse of Maroussi)
"La Sagesse du Coeur" (1941) (The Wisdom of the Heart)
"Dimanche Après Guerre" (1944) Stock - Litt. Etrangère 100 (Sunday after the War)
"Varda, le Constructeur" (1944) (Varda, the Master Builder)
"La Grande Misère de l'Artiste aux USA" (1944) (The Plight of the Creative Artist in USA)
"Qu'allez-vous faire pour Alf" (1944) (What are you going to do about Alf ?)
"Reflets d'un Passé Fervent" (1944) (Semblance of a Devoted Past
"Le Cauchemard Climatisé" (1945) Gallimard Folio (Air Conditionned Nightmare)
"L'Obscénité et la Loi de la Réflexion" (1945) (Obscenity and the Law of Reflection)
"Maurizius pour Toujours" (1946) (Maurizius for Ever)
"Souvenirs, Souvenirs (1947) (Remember, Remember)
"Le Sourire au pied de l'Echelle" (1948) (The Smile at the Foot of the Ladder)
"Sexus" (1949) (1er volet de la Crucifixion en Rose / The Rosy Crucifixion I)
"Blaise Cendrars" (1951)
"Plexus" (1952) (2nd volet de la Crucifixion en Rose / The Rosy Crucifixion II)
"Amours sans Importance" (1955) (Night of Love and Laughter)
"Un Diable au Paradis" (1956) (A Devil in Paradise, the Story of Conrad Moricand)
"Hamlet" (1956) (Hamlet, a philosophical Correspondence with Michael Fraenkel)
"Big Sur et les Oranges de Jérôme Bosch" (1957) Buchet Chastel 
"Le Carnet Rouge" (1959) (The Red Notebook)
"Nexus" (1960) (3ème volet de la Crucifixion en Rose / The Rosy Crucifixion III)
"Peindre c'est Aimer à Nouveau" (1960) (To Paint is to Love Again)
"Water Color, Drawings and his Essay, the Angel is my Watermark" (1962)
"Reste Immobile comme un Colibri" (1962) (Stand still like the Humming Bird)
"Jours Tranquilles à Clichy" (1966) Bourgois Christian 75 Frs / Pochet - Best 26 
"Virage à 80" (1973)
"J'suis pas plus con qu'un autre" (1977) Buchet Chastel 
"Au Fil du Temps Livre de Poche" 
"Crazy Cock 10/18 Domaine Etranger"
"J'suis pas plus con qu'un autre Buchet Chastel"

Essais :
"Le Monde du Sexe" (1940) 10/18 Domaine Etranger 
"Le Monde du Sexe" (1940) Livre de Poche 
"Les Livres de ma Vie" (1952) Gallimard Monde Entier 110 (Books in my Life)
"Les Livres de ma Vie" (1952) Gallimard L'Etrangère 84  (Books in my Life)
"The Time of the Assassins : A Study of Rimbaud" (1956) Albin Michel / Indisponible
"L'Oiseau Mouche" Essais T2 Bourgois Christian 
"Entretiens de Paris" Stock Bibliothèque Cosmopolite 
"Art et Outrage" Essais T1 Bourgois Christian 
Correspondance privée avec Lawrence Durrell (1963) : Le Monde de D.H. Lawrence : Une Appréciation Passionnée par Henry Miller et A. Catineau Buchet Chastel 
Correspondance privée avec Wallace Fowlie (1975) Buchet Chastel 
Correspondance avec Blaise Cendrars Denoel Litterature Française 
Réunion à Barcelone (1959) (Reunion in Barcelona, a Letter to ALlfred Perles)

À Lire :
"Henry Miller ou le diable en liberté" par Jong Erica Grasset et Fasquelle 
"Henry Miller ou le diable en liberté" par Jong Erica Livre de Poche
"Henry Miller, rocher heureux" par Brassai Gallimard Blanche