mardi 8 novembre 2011

LE MOUVEMENT DADA

DADA, la rébellion artistique


La ville de Zurich vit naître le Mouvement Dada le 8 février 1916. Les fondateurs du mouvement choisirent ce nom par hasard, en ouvrant le dictionnaire Larousse qui leur révéla ce substantif, après que l’un d’eux eût posé son doigt sur une page ouverte, à la ligne du mot dada.

À la suite de révoltes individuelles contre l’avancée de la société occidentale, et cristallisée par l’ampleur du conflit de la Première Guerre Mondiale, la contestation culturelle du moment prit les traits de Dada pour se manifester au travers d’une truculence provocatrice à laquelle se mêla une certaine dérision. Des artistes émigrés de tous les pays en guerre se regroupèrent ainsi, pour protester contre les « oreillettes de la société », en refusant les valeurs saintes et incontournables qui avaient eu cours jusque là.

Après sa création en Suisse Allemande par le peintre et sculpteur Hans ARP, et par l’écrivain roumain Tristan Tzara, ainsi que par les poètes allemands Hugo Ball et Richard Hülsenbeck, aux côtés du peintre roumain Marcel JANCO et du peintre et cinéaste allemand Hans RICHTER, le mouvement s’implanta à New York par la forte personnalité de Marcel DUCHAMP, et de celles de Francis PICABIA et Man RAY, avant de gagner Berlin, pour s’installer ensuite à Cologne avec ARP et Max ERNST, et s’éteindre enfin à Hanovre.

Jean ARP (1887-1966)

Les artistes de Dada tournèrent en ridicule les notions traditionnelles de religion, de patrie, d’honneur et de morale. A la création du Mouvement DADA, la neutralité de la Suisse accueillit la protestation commune des artistes, ainsi que la création du « Cabaret Voltaire » qui comportait une scène où chacun pouvait s’exprimer dans ce club qui servait également de lieu d’expositions. Le premier accrochage eut lieu à Zurich en 1917, pour proposer des œuvres de ARP, De CHIRICO, ERNST, KANDINSKY, KLEE, KOKOSCHKA, MARC, MODIGLIANI et PICASSO.

À cette occasion, ARP, le membre le plus important du groupe, illustra les poèmes de Tzara et de Hülsenbeck, et créa les premières formes libres et mouvantes issues du subconscient. Ces créations révélèrent des collages qui rappelaient ceux des Cubistes exécutés plus tôt dans d’autres intentions.

À New York, l’artiste français Marcel DUCHAMP qui s’était installé là depuis 1915, fit figure de précurseur du Mouvement Dada Américain, en refusant méthodiquement l’esthétisme, pour « fabriquer » les objets usuels qu’il éleva au rang d’œuvres d’Art. Il baptisa ses créations personnelles et singulières « Ready-made », et s’entoura du photographe Man Ray et de PICABIA pour fonder une association parallèle au Cabaret Voltaire de Zurich, ainsi qu’une revue qui eut pour nom « 291 ».

À la fin de l’année 1916, PICABIA rentra en Europe, et s’installa à Barcelone où il créa la revue « 391 », avant de gagner Zurich pour établir le contact avec ses amisDadaïstes de Suisse Allemande. En décembre 1918, le troisième numéro de la Revue Dada parut, pour exposer le manifeste du Mouvement qui, au travers de sa tendance destructrice, se heurta à une critique soutenue du grand public.
Jean ARP


À Paris, le mouvement s’entoura surtout des personnalités des écrivains et artistes qui avaient pour noms Breton, Aragon, Soupault, Eluard et Péret, et le 6 juin 1922, la Galerie Montaigne ouvrit un « Salon Dada », avant que ne survînt la dislocation du mouvement en conséquence des oppositions inconciliables qui entretenaient plusieurs groupes.

Les artistes de Dada, révoltés par les différents conflits qui sévissaient sur la planète, contestèrent tous les fondements de la civilisation moderne, et manifestèrent leur opposition par la destruction, le scandale, l’humour, la dérision et la subversion. En tant que mouvement, Dada n’exerça qu’une critique négative, car son but n’était pas la création de l’Oeuvre d’Art dans le sens traditionnel, mais le scepticisme destructeur, et le cynisme du doute porté sur tout ce qui était honoré, honorable et éprouvé.

Man Ray

Les bouleversements politiques, économiques, sociaux et culturels liés aux années de guerre favorisèrent donc l’ascension de ce mouvement qui devint une tribune où chacun pouvait protester à sa manière. Le mouvement se manifesta autant par le comportement et la façon de penser de ses adhérents, que par leur production plastique.

Des soirées publiques improvisées mélangèrent l’Art et les Lettres, et de nombreux manifestes et revues virent le jour. La peinture des Artistes Dada se situa entre les collages desCubistes, et les combinaisons-compositions des Surréalistes. Sans programme défini, et sans exprimer une réelle notion du beau, puisqu’ils combattaient toute esthétique traditionnelle, les Dadaïstes, parfaitement libres dans la forme à donner à leurs idées, apparurent, et ce malgré leurs théories négatives, comme de vrais créateurs, en raison des fortes personnalités du mouvement qui ne pouvaient refouler à jamais leur talent intrinsèque.

Francis PICABIA + Tristan Tzara

Dans leurs créations, les artistes associèrent des éléments aussi disparates que du sable, des morceaux de toile, de la laine, des cheveux, des morceaux de bois, des lacets et des photographies. Les individualités s’exprimèrent en toute liberté, pour mettre à jour des techniques et des formes inventives. 

Les « ready-made » de DUCHAMP retiraient les objets quotidiens de leurs contexte utilitaire, pour les transposer dans le monde de l’Art, en leur donnant un nouveau statut.

Dignes héritiers des Symbolistes, les Dadaïstes ressentirent les perturbations de la société occidentale liées aux divers progrès scientifiques qu’étaient les mathématiques et la physique, ainsi que la psychanalyse en plein essor.

Le « Merz », assemblage ou collage de déchets trouvés à l’extérieur, tels que tickets de bus, chiffons et diverses pièces industrielles, côtoyait le photomontage qui rassemblait sur des surfaces planes des photographies découpées dans des magazines.

Le hasard s’entoura de l’imprévisible, et les œuvres de ARP, au travers de leurs formes élémentaires collées en grandes surfaces, renoncèrent à un quelconque lien avec des formes objectives. L’Art Dada inventa le « rayogramme » qui était le résultat de la brève exposition d’un papier photographique sur lequel l’artiste disposait des objets divers, ou inventa encore le « Roto-relief » qui représentait une sensation de relief sur un disque en vinyl recouvert d’un graphisme, après qu’un mouvement eut fait bouger le disque.

Francis PICABIA (1879-1953)

Malgré certains aspects négatifs, rejetant notamment les traditions parfois surannées, Dada contribua au travers de ses fougueuses poussées, à extraire des formes nouvelles tirées du subconscient, et contribua plus encore à révéler les signes précurseurs du Surréalisme qui allait suivre.

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